Interview : Christine Janin, femme des sommets
Comment votre parcours d’alpiniste a-t-il débuté ?
Je suis médecin avant tout, c’est la médecine qui a permis tout mon cheminement. J’ai découvert la très haute altitude à 25 ans, un peu par hasard, lorsqu’on m’a proposé une expédition dans l’Himalaya, pour monter le Gasherbrum au Pakistan (8 035 mètres). Ce n’était pas un rêve depuis l’enfance, j’ai juste osé le faire et suivi mon intuition. Cela m’a emmenée à 33 ans sur le plus haut sommet du monde, l’Everest. Dans la foulée, j’ai décidé de gravir le plus haut sommet de chacun des continents, ce qui m’a permis de redescendre du monde de la très haute altitude…
De quelle façon vous êtes-vous engagée auprès d’enfants puis de femmes en rémission d’un cancer ?
Encore une fois, cela est venu à moi. La directrice de l’école à l’hôpital Trousseau m’a demandé d’intervenir au chevet d’enfants à l’hôpital, j’ai accepté et raconté mes ascensions. Après 2 ans de rencontres avec ces enfants, j’ai proposé de les emmener à la montagne. Cela a débouché sur la création en 1994 de l’association A chacun son Everest !. Depuis 2011, nous proposons nos séjours à des femmes qui ont eu un cancer du sein. Aujourd’hui, nous accueillons ces femmes et enfants à la maison Vallot, à Chamonix au pied du Mont Blanc et leur proposons des séjours pour un accompagnement global, psychologique et physique. Depuis 1994, 4200 enfants ont été accueillis et plus de 700 femmes lors de séjours d’une semaine totalement pris en charge par l’association.
Vous faites un parallèle entre la maladie et l’ascension d’un sommet ?
Ce que ces malades ont vécu a valeur d’Everest. Au début, il y a l’avalanche, puis différents paliers, des crevasses, et le sommet, qui représente la vie. Comme pour une ascension il faut avoir les qualités d’un champion : le courage, la persévérance, une puissance de vie en soi. Je suis là pour aider femmes et enfants en rémission à redescendre leur l’Everest, ce qui est tout aussi difficile que de monter.
Que souhaitez-vous apprendre aux enfants pendant leur séjour ,?
Je leur explique que leur Everest est sûrement plus fort que le mien. Je cherche à leur prouver qu’ils sont comme les autres enfants, même s’ils ont été malades. Je les j’essaye de leur permettre de changer leur image souvent dévalorisée et de les déculpabiliser. Il est important de parler du décalage qu’ils vivent par rapport aux autres enfants, qui ne peuvent pas comprendre ce qu’ils ont vécu. Ici a l’association, chacun se comprend ! C’est aussi l’occasion de faire une coupure avec les parents. De leur côté, ils peuvent reprendre confiance en leur enfant, nécessairement très couvé, tandis que les frères et sœurs peuvent retrouver leur place.
En quoi la situation des femmes est-elle particulière ?
Elles n’ont pas l’insouciance des enfants. Et le cancer du sein est tellement banalisé aujourd’hui qu’il est parfois sous estimé. L’après cancer est très compliqué : ces femmes se sont battues contre la maladie avec un rythme soutenu de rendez-vous de soin, et des objectifs. Après, c’est le vide, elles ont arrêté de travailler, elles sont épuisées. A la maison Vallot, elles vont retrouver confiance en elle, partager, et se réconcilier avec leur image et leur corps, grâce à des soins ou activités physiques. L’eau des thermes a également de nombreux bienfaits. En une semaine, nous n’avons pas la prétention de les guérir, mais de leur redonner énergie, dynamisme et joie de vivre, de les aider à donner un sens à la maladie pour avancer dans la vie encore plus forte. Mon message est simple : vivez et osez vos rêves !