Médecine thermale : zoom sur la cure dermatologique
Dans tous les cas, la cure thermale permet également de prendre en compte le retentissement psychologique de ces affections.
Les lésions cutanées diverses
Les bénéfices thérapeutiques des cures thermales sont reconnus dans différents domaines médicaux, dont la dermatologie. Cette alternative thérapeutique est généralement proposée dans le cadre d’une pathologie chronique, souvent après échec des traitements médicamenteux. Les dermatoses traitées sont l’eczéma, le psoriasis, la sclérodermie, mais également l’acné et la rosacée. Des stations thermales comme les thermes de Saint-Gervais ont développé des soins spécifiques pour les peaux brûlées ou présentant d’autres types de cicatrices (traumatiques, chirurgicales). Les cures post-cancers associent les soins de la peau à divers ateliers, d’activité physique ou de diététiques par exemple.
Dans certains cas, il est possible d’effectuer une cure pour une double indication, combinant par exemple des soins à visée dermatologique et respiratoire pour les sujets souffrant d’eczéma et d’asthme.
Comment se déroule une cure thermale ?
Une cure thermale dure 21 jours consécutifs, dont 18 jours de soins. Cette durée constitue la base de remboursement par l’Assurance maladie. La cure thermale est prescrite par le médecin traitant ou par un spécialiste. Le médecin précise l’orientation thérapeutique et choisit la cure thermale adaptée aux besoins du patient, selon l’affection dont il souffre.
Les caractéristiques et les propriétés de l’eau thermale sont la base des soins réalisés pendant la cure. Dans le cadre des affections dermatologiques, les soins externes sont associés à des soins internes :
- La douche filiforme : un jet d’eau fin sous pression est envoyé sur les lésions cicatricielles cutanées pendant 2 à 3 minutes. Cette opération réalisée par un médecin a une action anti-prurigineuse et décapante. Elle permet de diminuer l’épaisseur de la peau. Cette technique est particulièrement employée sur les peaux brûlées, qui ont tendance à se rigidifier provoquant une limitation des mouvements.
- La douche céphalique : on l’appelle aussi douche de tête. Cette opération consiste à faire couler de l’eau thermale sur la tête pour une action décongestionnante du cuir chevelu.
- Les bains : le patient est plongé dans un bain d’eau thermale, à visée relaxante et décongestionnante.
- Les pulvérisations : l’eau thermale est finement pulvérisée pour obtenir un effet hydratant et décongestionnant. Les pulvérisations peuvent être générales, sur l’ensemble du corps, ou faciales.
- Le massage cicatriciel : il vise à redonner de la souplesse et de l’élasticité à la zone cicatrisée. Réalisé par un kinésithérapeute, le massage permet de rétablir la circulation et de diminuer l’inflammation et la douleur liée aux cicatrices.
- La cure de boisson, ou soin interne : l’eau thermale est ingérée pour obtenir une action détoxifiante et antioxydante par sa composition riche en oligoéléments et minéraux.
Les affections dermatologiques, au cas par cas
L’eczéma : très fréquent, l’eczéma peut prendre des formes plus ou moins sévères selon les patients. C’est une maladie cutanée inflammatoire se traduisant par une atteinte de l’épiderme. Le prurit (démangeaison cutanée) est toujours présent.
L’objectif de la cure thermale est de soulager le prurit, c’est-à-dire les démangeaisons sévères, d’en atténuer les conséquences sur la qualité de vie (sur le sommeil par exemple) et d’espacer la survenue des poussées inflammatoires. La cure est aussi l’occasion d’éduquer le patient, de le sensibiliser au gestes et aux mesures importantes à respecter.
Le psoriasis en plaques : cette maladie inflammatoire de la peau est causée par un ensemble de causes. L’origine psychologique est souvent mise en avant mais il semble que d’autres facteurs interviennent, notamment génétiques et immunologiques. Le psoriasis correspond à un renouvellement accéléré de l’épiderme, en une semaine au lieu de trois chez le sujet sain. Le sujet présente des plaques rouges au niveau des coudes, des genoux, du cuir chevelu. Une desquamation excessive de l’épiderme est observée. Les démangeaisons sont toujours présentes. Il existe d’autres formes de psoriasis avec des lésions localisées au niveau des mains, des pieds ou sur les ongles. En cas de psoriasis sévère, une dépression ou des complications rhumatologiques peuvent survenir.
Des traitements locaux, anti-inflammatoires et kératolytiques, existent ainsi que des traitements généraux dans les cas les plus sévères tels que les anticorps monoclonaux.
La cure thermale est proposée pour réduire les symptômes (diminution des plaques et des démangeaisons associées) et permettre d’espacer les poussées inflammatoires. Le séjour est aussi l’occasion de retrouver une certaine sérénité, étant donné le retentissement psychologique fort de cette maladie. Enfin, l’éducation du patient vise à réduire les facteurs de risque externes tels que le stress et l’utilisation de produits irritants.
L’acné : la fréquence de cette maladie augmente à l’adolescence. L’acné peut subsister à l’âge adulte, ou réapparaître à certaines périodes de la vie, lors de la grossesse par exemple. La peau du patient acnéique est grasse, en raison d’une production excessive de sébum. L’accumulation de sébum dans les pores de la peau, notamment sur le front ou du nez entraîne la formation des comédons. Des lésions inflammatoires telles que des papules ou des pustules (bouton contenant du pus) apparaissent. Le traitement primaire repose sur des règles d’hygiène cutanée et l’utilisation de produits dermocosmétiques adaptés. Dans les formes plus sévères, des médicaments sont prescrits (doxycycline, isotrétinoïne, hormones), dont certains nécessitent une surveillance médicale rigoureuse en raison de leurs effets indésirables.
La cure thermale peut être proposée en deuxième intention, notamment en cas de contre-indications des médicaments. Les soins thermaux permettent d’atténuer les signes et les cicatrices, et de prendre en compte la dimension psychologique et sociale de cette maladie.
Les cicatrices : lorsque la peau est endommagée, l’organisme met en œuvre un processus de réparation cutanée. C’est la cicatrisation. La première phase dite exsudative débute rapidement après l’agression et permet de réparer de manière provisoire la peau et de limiter l’extension de la blessure. Elle est suivie quelques jours après par la phase de bourgeonnement puis par la phase de cicatrisation. A ce stade, on observe la formation de nouveaux tissus, appelé tissu cicatriciel. Cependant, la réparation physiologique n’est pas toujours suffisante, d’autant plus que la lésion est profonde ou étendue ou que certains facteurs négatifs interviennent (infection, troubles de la circulation sanguine, diabète). Il est alors nécessaire d’accompagner ce processus afin de l’optimiser. Le tissu cicatriciel ne présente pas les mêmes propriétés élastiques que la peau, ce qui induit une limitation des mouvements. Des douleurs et des démangeaisons sont également observées.
Les soins en cure thermale s’appuient sur les propriétés anti-inflammatoires et décongestionnantes des eaux thermales, ainsi que sur des techniques de massage réalisées par des kinésithérapeutes expérimentés. La station thermale Saint-Gervais Mont-Blanc par exemple s’est spécialisée dans la prise en charge des cicatrices et de leur conséquences, en développant une technique de massage cicatricielle afin de redonner de la souplesse à la peau. En outre, les soins visent à prendre en charge le patient d’une manière plus globale, en tenant compte du retentissement psychologique lié à la cicatrice notamment si celle-ci est très étendue ou très visible. La prise en charge des sujets amputés permet également de réduire le risque d’effets secondaires liés à la prothèse.
Les brûlures : accidentelles dans 70 % des cas, les brûlures peuvent être d’origine thermique (par le feu ou l’eau bouillante), chimique (par l’acide) ou physique comme dans le cas de la radiothérapie anticancéreuse. On distingue trois degrés de brûlures, le dernier correspondant au degré le plus grave c’est-à-dire une destruction complète du derme et de l’épiderme. Au cours de la phase de cicatrisation, des complications peuvent être observées dont l’hypertrophie cicatricielle caractérisée par une inflammation du tissu cicatriciel. La prise en charge de cette complication repose sur la pressothérapie, c’est-à-dire le port de vêtements compressifs, et sur la crénothérapie (soins en cure thermale).
La rosacée : c’est une dermatose de la face, à prédominance féminine, qui touche les vaisseaux sanguins. Elle se caractérise par un érythème du visage et une couperose (vaisseaux capillaires dilatés en permanence). La peau est rouge au niveau des joues, du menton et du front. Ces signes sont favorisés par les émotions, les variations de température ou la consommation d’alcool. Cette maladie fréquente évolue sur plusieurs années et peut être à l’origine d’un épaississement de la peau dans les cas les plus avancés. Une des complications est le rhinophyma, c’est-à-dire le gros nez rouge observé surtout chez les hommes. Comme pour la plupart des maladies cutanées inflammatoires, la cure thermale vise à soulager les symptômes, à espacer la survenue des lésions de type papules ou pustules, et à apporter des conseils cosmétologiques et diététiques adaptés.
La sclérodermie : cette maladie auto-immune est rare et se traduit par un épaississement et un durcissement de la peau et des tissus sous-cutanés. Les formes généralisées sont plus graves que les formes locales. Dans les formes généralisées, des complications vasculaires, pulmonaires ou cardiaques peuvent être observées. L’objectif de la cure thermale est de soulager le patient. Les soins combinés (eau thermale et kinésithérapie) permettent d’assouplir les zones lésées.
Un atout : la prise en charge pluridisciplinaire
Outre les propriétés des eaux issues des sources thermales, un des atouts de la prise en charge en établissement thermal est l’accompagnement pluridisciplinaire du patient. A l’heure où l’éducation thérapeutique est au centre des préoccupations et où les professionnels de santé tentent de s’organiser en réseaux pour mutualiser leurs compétences au profit du patient, les équipes des cures thermales offrent déjà une prise en charge globale, au cours de laquelle la pathologie et ses conséquences sont évaluées et abordées. Ces équipes associent des médecins, des kinésithérapeutes, des personnels soignants spécialisés dans les techniques de thermalisme, des diététiciens et des psychologues. Des coachs sportifs et des esthéticiennes complètent le staff, afin de prendre en considération tous les aspects de la santé.
Une étude sur le psoriasis à venir
En dermatologie comme dans les autres domaines thérapeutiques, de nombreux efforts ont été réalisés afin d’évaluer l’efficacité des cures thermales. En 2005, les établissements thermaux ont décidé de se regrouper au sein d’une association, l’Afreth (association française pour la recherche thermale), avec pour objectif le financement et la réalisation d’études scientifiques rigoureuses. « Plusieurs essais cliniques multicentriques (réalisés dans plusieurs centres thermaux) ont déjà été menés, permettant de comparer des patients bénéficiant d’une cure et des patients témoins, c’est-à-dire recevant un traitement médicamenteux de référence. On peut citer par exemple l’étude STOP-TAG en 2008, qui évaluait l’intérêt de l’alternative thermale dans le traitement de l’anxiété généralisée, ou l’étude Thermarthrose sur la gonarthrose (arthrose du genou) en 2009 », précise Thierry Coffinet, directeur des thermes de Saint-Gervais qui rappelle le coût important qu’engendre ce type d’évaluation. Depuis 2005, pas moins de sept études ont ainsi été réalisées. Dans tous les cas, les résultats étaient favorables et montraient une supériorité des cures thermales, incluant les différents soins proposés par les établissements thermaux, par rapport aux traitements de référence. « Récemment, le comité scientifique de l’Afreth vient de valider une étude sur le psoriasis, dont l’objectif est de mieux estimer l’impact du thermalisme sur l’évolution de cette maladie », ajoute Thierry Coffinet.
Interview avec Marie-Dominique Bouvet aux Thermes de Saint-Gervais
Depuis des années, les thermes de Saint-Gervais Mont Blanc sont reconnues dans la prise en charge des cicatrices de brûlures. Marie-Dominique Bouvet du pôle médical des thermes nous aide à mieux comprendre cette spécificité.
Pourquoi la cure thermale de Saint-Gervais est-elle indiquée pour les peaux brûlées ?
Cette orientation repose sur les propriétés de l’eau thermale de Saint-Gervais, notamment sa composition exceptionnelle en soufre.
Quel est le parcours du patient ?
Généralement, c’est le centre de rééducation où le patient a été soigné qui l’oriente vers une cure thermale adaptée comme celle de Saint-Gervais. L’objectif des soins réalisés au cours de la cure est d’accélérer la cicatrisation, d’atténuer certains phénomènes tels que l’hypertrophie cicatricielle ou les brides, et dans certains cas de préparer la peau avant une intervention chirurgicale. Au cours du séjour, l’aspect relationnel fait également l’objet d’une attention particulière.
Quelle est la fréquence des cures ?
Les cicatrices de brûlures évoluent constamment, avec une tendance à se rigidifier. C’est pourquoi il est nécessaire de renouveler les soins au moins 2 fois par an pour ne pas perdre les bénéfices obtenus lors du précédent séjour. Le patient lui-même apprend à évaluer ses besoins et sait quand une nouvelle cure est nécessaire, en particulier quand la souplesse au niveau de la cicatrice disparaît.
Entre les cures, y-a-t-il un relais des soins en ville ?
Oui, les kinésithérapeutes de ville réalisent des massages des cicatrices, ce qui permet de prolonger l’effet de la cure. Cependant, il manque un élément essentiel, l’eau thermale, qui n’est utilisable qu’au sein de la station.